états d'âmes

Les décisions courageuses des entrepreneurs durant la Pandémie

29 mai 2020
La passion des fleurs

Pourquoi dois-je me justifier ?

Avoir la passion de son métier, ce n’est pas donné à tout le monde. Parfois, on travaille pour payer les comptes, parfois on le fait par véritable passion de son travail, c’est-à-dire qu’on se lève le matin et on a hâte d’y aller.

Avant le 15 mars, j’étais une fière entrepreneure qui avait son équipe de rêve, j’avais une associée complémentaire, un réseau familial soutenant et une vie personnelle assez équilibrée. J’étais un peu workaholic mais quel entrepreneur ne l’est pas ?

Quand nous avons pris la décision de faire une cessation d’emploi à notre « dream team » à la mi-mars pour une durée indéterminée, dans un contexte de pénurie d’emploi, ça été probablement la plus importante décision de ma vie d’entrepreneur. Je pleurais en remplissant les demandes de chômage et ma sœur et moi avons décidé de faire une vidéo facebook pour notre équipe afin de leur partager notre décision. On avait le moton !

La Covid-19 nous a obligées, ma sœur et moi, à repenser tout notre modèle d’affaires. Le commerce de détails a sérieusement besoin de se poser des questions et de repenser sa façon de faire. La fleuristerie aussi. C’était le moment de prendre des décisions courageuses pour Il était une fleur.

Quai du Cap Blanc, Québec, Mairage 2019

Depuis maintenant 11 semaines, nous sommes seules, ma sœur et moi, à maintenir l’entreprise à flot afin d’assurer sa pérennité. On le sait, certaines entreprises n’ont pas réouvert, pour d’autres, le contrecoup arrivera d’ici 6 mois. On a dû revoir nos heures d’ouverture car on ne peut pas y arriver à juste 4 mains. Le volume de travail ne nous permet pas pour le moment de rouvrir la boutique du boul. Jean XXIII (qui a un aménagement intérieur de rêve, on adore cette boutique) ni de ré-engager nos employés. Mais on travaille en titi !

Depuis le 4 mai, à tous les jours, les gens nous demandent pourquoi nous restons fermés au public, en n’acceptant que les commandes en ligne et les commandes téléphoniques, du mercredi au samedi. C’est une excellente question. Et la réponse c’est que, pour le moment, c’est la meilleure décision stratégique de l’entreprise.

Merci la vie ! 
Les gens continuent de nous faire confiance en commande en ligne et par téléphone. Nous avons un super site web, des médias sociaux très alimentés et on peut même offrir des images de produits par texto ou courriel au besoin. Nous sommes super flexibles. Nous avons appris à mieux communiquer avec notre communauté. Ça nous a rapprochés davantage de nos clients.

Au 31 décembre 2019, le souhait que j’ai le plus entendu pour les vœux du nouvel an, c’est qu’on se souhaitait de la « bienveillance ». Vous savez ce que ça veut dire la bienveillance ? c’est une disposition d’esprit inclinant à la compréhension, à l’indulgence envers autrui.  C’est la capacité à se montrer indulgent, gentil et attentionné envers autrui d’une manière désintéressée et compréhensive.

Présentement, je suis très déçue du service à la clientèle de TOUTES les entreprises que je dois visiter. Le sourire, l’empathie, la courtoisie, le respect, ce sont toutes des choses qui ont pris le bord. Quand on entre dans un commerce, plus de bonjour, on nous donne des consignes de sécurité sur un ton monotone, les appareils de désinfection des mains à l’entrée des commerces ne sont pas standards donc on tatonne un peu, si on ne voit pas bien les lignes et les flèches au sol, on se le fait dire de façon très cavalière, si on utilise pas le panier d’achat, malgré qu’on ait juste 2 items à acheter, on se le fait reprocher, avec les plexiglasses aux comptoirs, parfois on a pas l’espace pour déposer nos items et ça rend la transaction un peu plus compliquée, avec les masques, on ne comprend pas donc on doit faire répéter. Les travailleurs ne sont pas gentils. La peur de la contagion est palpable, bref, il y a clairement personne heureux de travailler. Et ça se ressent dans le service à la clientèle.

Ma sœur et moi vivons également des défis complexes. Nos arrivages de fleurs sont encore perturbés dans les horaires de transport, des fleurs qui devaient arriver le lundi arrivent parfois le jeudi. Les fleurs commandées n’arrivent pas toujours, certaines frontières/pays sont toujours fermées. Nous avons subi une importante hausse de coût de la matière première.  On doit nous aussi, à l’interne, suivre les normes de la CNESST et nos opérations florales pendant le jour nous obligent à travailler pendant la nuit nos tâches de gestion.

Bon, si je réponds à nouveau à la question pourquoi nous demeurons fermés au public ? Parce que nous sommes marchands de bonheur et que pour nous, la seule façon de le demeurer présentement, c’est en restant dans notre bulle de verre. Nous sommes à l’écoute de nos clients, nous offrons un service irréprochable dans la prise de commande, l’exécution du bouquet et le service de livraison. Ça fait partie de nos valeurs viscérales d’entreprise d’offrir un service à la clientèle irréprochable.

Est-ce que le fait d’ouvrir au public ferait de nous aussi des zombies du commerce de détails ?

Depuis 11 semaines, à TOUS les jours, les gens nous disent à quel point on fait du bien. Pendant le temps de Pâques, les gens envoyaient des fleurs à leurs grand-mamans confinées seules et tristes, à la fête des mères, on a rempli des centaines de cartes disant à quel point les mamans étaient importantes et presqu’à tous les jours, mon père (livreur-bénévole) nous raconte des histoires de gens émus aux larmes de recevoir des fleurs. On propage le bonheur, pas le virus !

  • Est-ce qu’on perd des ventes en étant fermé au public ? Oui.
  • Est-ce qu’on paie des coûts fixes dans le vide en fermant temporairement notre local du boul Jean XXIII ? Clairement.
  • Est-ce qu’on aime notre travail ? Oh que oui !
  • Est-ce qu’on a encore la motivation et l’énergie de le faire même rendu à 16h ?  Oui.
  • Est-ce qu’on offre le meilleur de Il était une fleur présentement ?  Je pense que oui.
fleuristerie 2.0

Donc merci de votre bienveillance envers notre courageuse décision de rester fermé au public. Situation temporaire ou permanente ? Il ne faut prendre aucune décision sur un horizon de plus de 4 semaines selon les experts actuellement. Ça change trop vite. Selon nous, c’est la meilleure décision à prendre pour assurer la pérennité de notre belle entreprise, bâtie avant tant d’amour par nos parents Cyrille et Francine. Ils sont très fiers de nos décisions, ils nous encouragent et ils continuent de nous « challenger » car ils sont d’une autre génération et leur regard est différent. Mais les échanges sont toujours faits avec beaucoup d’amour et de respect.

Le défi que je vous lance : Souriez le plus possible aux gens qui travaillent dans les commerces de détails, le virus ne sautera pas sur vous, et ça pourrait changer l’attitude des employés zombies, qui sait ?

Continuez d’encourager vos petites entreprises locales. C’est important, pas juste maintenant, mais pour les mois difficiles qui s’en viennent.

Avec beaucoup d’amour et de bienveillance

Isabelle Côté
Entrepreneure passionnée et marchande de bonheur
Fleuriste Il était une fleur par le Centre des Roses
Trois-Rivières

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